LES MARCHÉS NAVIGUENT À VUE

  • Commerce international : Les marchés accueillent favorablement les exemptions temporaires de droits de douane sur certaines importations technologiques chinoises. Les progrès des discussions commerciales avec le Japon renforcent ce climat d’apaisement, malgré une communication erratique de l’administration Trump.
  • États-Unis – Politique monétaire : La Fed reste prudente et maintient une posture attentiste afin de contenir le risque de désancrage des anticipations d’inflation. Les ventes au détail se maintiennent à un niveau élevé, portées par des achats préventifs avant l’entrée en vigueur de nouveaux tarifs.
  • Zone euro – BCE : L’appréciation de l’euro offre à la BCE des marges de manœuvre supplémentaires. Elle peut ainsi envisager un assouplissement monétaire sans dépendre des décisions de la Fed, encore en retrait.

Noyés sous les annonces contradictoires de l’administration Trump, les investisseurs ont tout de même décidé de saluer les signaux plus positifs envoyés par Washington cette semaine sur le front de la guerre commerciale. Le président américain a en effet annoncé une exemption temporaire des importations chinoises de produits technologiques des droits de douane à 145 % (ramenés à 20 %) et indiqué que des progrès avaient été réalisés dans les discussions commerciales avec le Japon, laissant espérer un premier accord avec ce pays qui ouvrirait la voie à d’autres compromis avec le reste des partenaires commerciaux. Ce ton plus conciliant des Etats-Unis, lequel a permis aux marchés actions de retrouver des couleurs et d’effacer près de la moitié de leur chute depuis le 2 avril, a également été entretenu par la prise de parole du Secrétaire au Trésor, S. Bessent. Ce dernier a réitéré que les niveaux de droits de douane dévoilés le 2 avril étaient des taux maximums amenés à être abaissés à l’issue des négociations avec chaque pays et s’est montré confiant dans la capacité de l’administration Trump à rassurer les marchés financiers et éviter la récession économique. Néanmoins, les concessions exigées par celle-ci restent très élevées et incluent notamment pour l’Europe la renonciation à ses normes dans le secteur agroalimentaire, l’augmentation des prix des médicaments ou encore l’abaissement de la TVA, tandis que les pays asiatiques sont encouragés à renoncer à tout partenariat économique avec la Chine dans une stratégie d’isolation de Pékin.  

En attendant d’y voir plus clair sur la politique commerciale qui sera in fine mise en place par le président américain, J. Powell a confirmé l’approche attentiste de la Fed dont l’objectif prioritaire semble être d’éviter le désancrage des anticipations d’inflation. Le dernier sondage de la Fed de New York a de nouveau illustré ce risque avec des attentes de prix qui continuent de s’envoler tandis que les perspectives d’activité économique sont significativement revues à la baisse. Les ventes au détail aux Etats-Unis ont toutefois envoyé un message plus rassurant, portés notamment par des achats anticipés des ménages américains avant la mise en place des tarifs douaniers, ce qui confirme que l’impact de la guerre commerciale prendra du temps avant de se matérialiser dans les statistiques économiques. Cette incertitude pèse en revanche d’ores et déjà sur les entreprises, dont la visibilité est extrêmement réduite et dont les carnets de commande commencent à ralentir, à l’image d’ASML tandis que certaines d’entre elles se retrouvent en première ligne du conflit commercial, à l’image de Nvidia qui devrait enregistrer 5,5 milliards de dollars de dépréciation d’actifs après l’interdiction d’exporter ses puces H20 à la Chine.   

Si la banque centrale américaine fait face à une balance des risques équilibrée entre inflation et croissance, son homologue européenne est davantage vulnérable à une dégradation de l’activité, ce qui l’a incitée à poursuivre ses baisses de taux directeurs (-25 pb à 2,25 % désormais). La BCE bénéficie en particulier de l’appréciation de l’euro (+4 % depuis un mois à 1,137 $), laquelle lui octroie des marges de manœuvre pour assouplir sa politique monétaire sans s’inquiéter de l’immobilisme de la Fed. Les taux européens continuent ainsi de se stabiliser après avoir effacé la quasi-totalité de la hausse liée au plan de relance allemand.  

Il convient de noter que la première estimation de la croissance du PIB chinois au 1er trimestre est ressortie au-dessus des attentes (à 5,4 % vs 5,2 % attendu), soutenue par le dynamisme des exportations avant l’entrée en vigueur des taxes douanières mais aussi par les mesures d’aide introduites par les autorités qui stimulent la consommation comme en témoignent les ventes au détail (+5,9 % vs +4 % le mois précédent).  

Cette résilience de la croissance chinoise est toutefois un reflet du passé et celle-ci devrait être désormais fragilisée par le bras de fer commercial alors que Pékin est la cible prioritaire de D. Trump, ce qui nous incite à rester neutre sur la Chine. Nous maintenons plus globalement notre prudence sur les actifs risqués et les taux souverains, avec une préférence pour le crédit Investment Grade.

Heureusement, tout n’était pas rouge aujourd’hui. L’événement majeur côté européen concernait la BCE qui a abaissé de 0,25% ses taux directeurs. Une décision attendue, mais qui tombe à point nommé dans ce contexte de ralentissement économique et de crispation généralisée. 

Entre tensions commerciales et durcissement de ton de la Fed, les banques centrales n’ont plus le droit à l’erreur. La BCE prend les devants. Les marchés retiennent leur souffle. 

Quatre jours de répit bienvenus après une semaine sous tension.

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